Peut-être

Peut-être est-il temps que je me décrive. Je suis plutôt grande, mince du haut, un peu large du bas. J’ai des cheveux noirs traversés de reflets roux, arrondis en frange sur le front, attachés en banane sur la nuque. Des yeux verts. Un visage aigu, un peu coupant, que l’on disait ingrat quand j’étais petite fille. Je me souviens avoir pleuré longtemps un jour, parce qu’un cousin m’avait traitée d’« abominable perruche ». Il m’en est resté le sentiment très vif que, pour certains, je peux ressembler à un oiseau. Pourtant, même si j’ai le nez légèrement arqué, j’ai les lèvres pleines et très pulpeuses, et mon teint, je pense, fait penser plus à la pêche qu’à la plume.

Pour revenir au corps, mon cou est dégagé sur mes épaules, mes bras sont minces, ma taille est mince, et mes seins sont bien séparés, certainement un peu trop abondants pour mon buste, mais j’ai découvert que cela m’était un atout considérable dans bien des circonstances, alors que j’avais pu croire pendant longtemps qu’il s’agissait d’un désavantage. Nue devant une glace, je me fais en tout cas une impression plutôt favorable, au moins jusqu’à la ceinture. Au-dessous, je l’ai déjà dit, c’est nettement différent. J’ai le bassin fortement dessiné et, donc, le ventre large et les fesses pleines. Ce peut être un atout aussi. Il y a toutefois une période de ma vie où je ne portais pas volontiers de pantalon ou de jeans, contrairement à la mode. Aujourd’hui, j’en porte, et même serrés. Il paraît que ça me va très bien, selon les spécialistes. J’ai oublié un détail, à propos du ventre, qui est un vrai signe particulier (mais ma carte d’identité ne le mentionne pas) : au lieu d’avoir le nombril parfaitement au milieu comme tout le monde, je l’ai légèrement décentré, en haut et à gauche. Restent les jambes. Les cuisses sont un peu trop pleines elles aussi, mais avec les genoux, les mollets et l’attache des chevilles, cela devient parfait, toujours selon les experts.

Mon corps, je voudrais l’indiquer, est régulièrement entretenu par des séances de gymnastique douce auxquelles m’a entraînée Françoise et je me sens, dans l’ensemble, en excellente forme, malgré quelques vagues plissements et froissements que j’ai cru éprouver çà et là dès après la trentaine. Je donne à ceux qui me voient une impression de bonne santé et, comme je suis rieuse, mon apparence a quelque chose de rassurant, et même de tonique s’il faut en croire Philippe, mon mari. Certains voient malheureusement dans cet air de gaieté je ne sais quelle insolence. Je ne suis pas du tout insolente. Je suis comme je suis. Une femme sans doute pareille aux autres. Mais une femme, oui.

Ai-je les qualités pour faire une bonne lectrice ? C’est évidemment un autre problème. Il faudrait peut-être, pour le sérieux, que je mette des lunettes. J’en porte d’ailleurs très souvent, de soleil. Mais je crois qu’il faudrait de vraies lunettes, même si elles ne sont que des bouts de verre blanc. Je vais y penser.